Tuesday, December 20, 2005

Telling Truth from Lie with FMRI...

Cerveau, Mensonge et vérité

Dans le dernier numéro du Monde Diplomatique (décembre 2005), mensuel français, Olivier Oullier, maître de conférences à l'université de Provence et chercheur à la Florida Atlantic University, fait le point sur la dernière application en vogue de l’imagerie cérébrale avec la Résonance Magnétique Fonctionnelle (FMRI); détecter les mensonges dans un cadre d'interrogation de suspects d'actes de terrorrisme.

Les chercheurs de l'école de médecine de l'université de Pennsylvanie (Langleben et al., 2005, Human Brain Mapping, 26:262–272) expliquent à la revue Nature (Vol 437, 22 September 2005) que le test qu'ils ont développé, avec le soutien financier de la section Defense Advanced projects de l'armée américaine, montre qu'il y a une activation dans le cortex frontal lorsque les sujets mentent. Ils estiment que leur test, demander au sujet de mentir ou de dire la vérité sur la possession d’une carte à jouer spécifique, n'est pas prédictif, qu'ils ne pourront pas dire si un sujet sera un terroriste ou plantera des bombes mais qu'il permet de dire si le sujet ment ou dit la vérité sur une question qui lui est demandée sous la forme d'une proposition : ‘avez-vous participé à des activités X ou Y ?’ …’Etes-vous l’individu A ou B ?’…D'autres chercheurs ont même trouvé des différences structurales dans le lobe frontal entre les menteurs pathologiques et les personnes normales (Yang et al., 2005, British Journal of Psychiatry , 18 7, 3 20- 3 2 5).

Malgré un générique négatif accrocheur : 'Neurosicences sans conscience', Olivier Oullier prend la défense de la discipline face aux abus dans ses applications. En effet, l'ensemble de ce champ semble avoir soulevé un espoir fou dans ses applications commerciales et sociales alors que ses effets immédiats sont plutôt attendus du côté de l'amélioration du diagnostic et de la prise en charge dans le domaine de la santé.

M. Oullier pointe sur plusieurs faits qui font que l’utilisation de l’imagerie cérébrale dans la lutte contre le terrorisme est irréaliste et non seulement non éthique.

1) Le fait que le sujet doit être immobile dans le scanner pour assurer la fiabilité des résultats, or si un sujet veut mentir, il n’a qu’à bouger la tête.

2) Le fait qu’il existe deux manières distinctes d’analyser les résultats d’une étude comme celle-là : la plus répandue étant la méthode par soustraction où l’on soustrait la moyenne d’activité dans les cerveaux du groupe qui ment de celle du groupe qui dit la vérité. Cette méthode fait cependant l’impasse sur le fonctionnement du cerveau par réseau neuronal distribué, réseau qui peut impliquer d’autres structures et qui ne peut être capté par la méthode de soustraction mais par des modélisations. La conclusion est que lorsqu’on met en évidence des différences d’activation par soustraction, nous n’avons pas toute l’information sur ce qui se passe dans le cerveau mais seulement une partie. Or peut-on condamner et juger des êtres humains sur la base de méthodes scientifiques d’analyse non fiables à 100% ?

3) Le lobe frontal est activé, non seulement pour des actes volontaires, comme le mensonge, mais aussi dans des tâches de mémoire, de décision et de sélection. Or, il suffit que le sujet, placé dans des conditions d’interrogation plus complexes, ne soit pas sûr de la réponse à donner, cela suffirait pour activer le cortex frontal et conclure au mensonge. Nous avons vu que dans des conditions complexes (je cite ici le cas de la tragédie d’Outreau en France où plusieurs personnes innocentes ont dû faire face à des accusations de pédophilie, voir aussi pascale robert Diard, le fils Legrand a expliqué pourquoi il s'est accusé du pire, Le Monde, édition web, 24-11-05), certains sujets vont même jusqu’à s’accuser volontairement de crimes qu’ils n’ont pas commis.

Ce qui compte dans les faits à propos de nous-même ce sont les croyances que nous pouvons avoir sur nous-mêmes. Si un sujet, perçu comme terroriste, ne se croit pas terroriste, un test du genre de celui qui est proposé sera fondamentalement biaisé.

4) Le fait que la compréhension du fonctionnement du cerveau est aisée est une illusion créée par les media et par nos attentes démesurées vis-à-vis de cette entreprise scientifique.

Depuis 2001, rapporte Olivier Oullier, une quinzaine d’articles véhiculant des concepts similaires ont été publiés dans des revues scientifiques internationales bien réputées. Les attentes démesurées vis-à-vis de l’utilisation des techniques d’imagerie dans le domaine social sont nombreuses et suscitent une véritable frénésie médiatique et commerciale qui prend des dimensions gigantestques aux Etats-Unis où les entreprises privées en imagerie cérébrale se multiplient offrant aux individus et au monde corporatif toutes sortes de services. Le plus en vogue est le neuromarketing où des entreprises de marketing proposent de détecter les préférences des consommateurs en analysant l'activité du cerveau de quelques sujets face aux produits de consommation. A tel point que le NIH (National Institutes of Health) a décidé de financer des projets de recherche destinés à l’élaboration d’une réglementation stricte sur ce qui est considéré comme fiable et acceptable dans le domaine de l’imagerie cérébrale.

De plus, il n'est pas étonnant de trouver des différences structurales dans les régions frontales car étant les régions du cerveau les plus récentes évolutivement, elles montrent plus de différences interindividuelles que les autres régions. l'étude structurale repose sur uniquement 12 sujets pathologiques et même si la différence entre eux et le groupe contrôle est de près de 20%, elle nécessite une comparaison avec une étude standardisante de ces régions cérébrales se basant sur une large population. L'hippocampe, par exemple, structure évolutivement plus ancienne que les régions frontales du cortex, montre une variation interindividuelle de l'ordre de 10 % dans une population normale. Or des études de neuroimagerie sur de larges populations servant à établir des standards pour de meilleures comparaisons avec des groupes pathologiques, manquent encore, limitées par des impératifs éthiques, techniques et financiers.

Il est plus que temps de ramener la neuroimagerie à son destin initial et principal: l’amélioration des soins de santé dans les approches diagnostiques, chirurgicales et traitantes car c’est là que cette technique a démontré sa fiabilité et son potentiel, le domaine physique et biologique de l’individu et non le domaine de ses croyances. Cela ne veut pas dire que la neuroimagerie ne peut explorer le domaine des croyances mais, contrairement au domaine médical où il existe une validation permanente de la neuroimagerie par les niveaux d’organisation biologiques, celui des croyances ne peut être validé en dehors des neuroscicences fondamentales. Or jusqu’à maintenant, malgré les progrès fulgurants des neurosciences fondamentales de ces vingt dernières années, on peine toujours à trouver des méthodes de validation de leurs applications à l’activité humaine mentale normale et pathologique se situant à un haut niveau d'intégration comme en psychiatrie par exemple. Cela n’a rien d’étonnant, nos connaissances sur le cerveau sont plus avancées pour certains niveaux d’organisation qui sont fondamentaux que pour d’autres qui sont globaux. Il nous suffirait d’attendre une décennie ou deux pour affiner encore un peu plus nos techniques d’imagerie cérébrale, qui sont multiples, les insérer dans une certaine complémentarité et les valider avec les autres niveaux biologiques du cerveau et du corps.

Vu la complexité de l’objet d’étude, le mental, les neuroscientifiques et les chercheurs intéressés par la santé mentale ne pourront se passer, cette fois-ci, de l’aide précieuse que pourront apporter les modélisations mathématiques, non seulement dans les paradigmes d’expérimentation et d’analyse, comme cela se fait maintenant, mais aussi dans les paradigmes d’intégration des connaissances provenant de niveaux d’organisation différents du cerveau et de l’organisme et des paradigmes explicatifs du phénomène mental se situant à un haut niveau d'intégration comme les croyances que nous avons sur nous-même face à la vérité et au mensonge et face à des propositions sur nos appartenances.

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